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Psychologies magazine - n°185 - Avril 2000

Psychologies 185 Avril2000Rubrique « « le souci de soi »

Mon ventre (me) gonfle ...
Tantôt plat, tantôt rond, sa géométrie variable rend fou La gonflette, c'est dans la tete? Non, répond désormais la médecine. C'est une question d'équilibre hormonal ou de fragilité digestive.

Elles le désignent comme le centre le plus intime d'elles-mêmes, mais le décrivent comme une « pièce » ou un « morceau de corps » encombrant et incontrôlable. Elles lui vouent un attachement presque sacré, mais n'ont pas assez de mots pour honnir ses frasques et ses trivialités. A l'exception de quelques bienheureuses qui vivent en paix avec lui, les femmes portent à leur ventre une attention inquiète et vindicative. Qu'il se bombe à l'adolescence : « On dirait ma mère! » Qu'il enfle pendant la grossesse : « On dirait Alien! » Mais la plainte la plus fréquente reste cette alternance infernale entre le plat et le rond, le gonflé et le dégonflé. « L'horreur » : pour un oui, pour un non, les voilà qui deviennent « une outre », « un œdème sur pattes », puis se recreusent brusquement sans vraiment comprendre pourquoi. Une géométrie variable qui leur échappe et les « rend folles », mais se plie tout de même à quelques explications médicales, et trouve à se résoudre dans la prise en compte des cycles hormonaux et des fragilités digestives. Pour les ballons rebelles à toute raison, restent celles du cœur. A étudier, sans doute de près. Et à dénouer dans de joyeux exercices de souffle et de détente.

Les règles : une parenthèse revendicative de féminité
Pour le docteur Hélène Scemama-Kestenberg, gynécologue médicale, le « J'ai du ventre » des femmes appelle un premier distinguo : ou il est là de manière permanente (voir encadré p. 122), ou il fluctue au rythme des variations hormonales. « Jusqu'à l'ovulation, sous l'empire exclusif des estrogènes, pas ou peu de problèmes. Ensuite, avec la montée de la progestérone, le schéma se complique : s'il y a déséquilibre hormonal, tout devient tendu et inconfortable, les seins comme le ventre. Un taux d'œstrogènes proportionnellement trop important, par exemple, induit cette rétention d'eau si redoutée. »
Une femme sur trois ressent ce syndrome prémenstruel comme une gêne insupportable. Sans nier ses fondements organiques, le docteur Scemama Kestenberg en propose une approche plus subtile : « Parfois, les dosages sont relativement normaux, mais les troubles continuent d'être perçus de façon très marquée. Par ailleurs, quand une femme est sous pilule ou sous traitement substitutif, elle ne devrait connaître de facto aucune variation hormonale. Or 10 % ressentent les mêmes symptômes qu'avant. On peut imaginer que les femmes, à qui l'on en demande tellement, font des jours qui précèdent leurs règles une sorte de parenthèse revendicative. Un moment où elles affirment leur féminité et exigent qu'on la respecte. Et quand cette féminité est en sommeil chimique, le corps et l'inconscient en gardent la mémoire et continuent de faire valoir ses droits ».
Des solutions, il y en a. Que les montgolfières alternatives n'hésitent pas à consulter. On n'est pas une geignarde parce qu'on veut vivre au mieux de soi-même chaque jour de chaque mois. Il existe maintenant une grande variété de progestatifs, ce qui permet d'adapter la prescription au symptôme dominant. Qu'on n'en oublie pas pour autant de se reposer sans culpabilité et d'adopter une hygiène physique et nutritionnelle qui nous garantisse longtemps une silhouette agréable, des os solides et une bonne tenue abdominale.

Troubles intestinaux : Rien à voir avec l'anxiété
Celles qui prétendent que leur ventre est « doué d'une vie autonome » et que, quoi qu'elles mangent, « il se conduit comme il l'entend », ont scientifiquement raison! « La structure nerveuse du système digestif est si riche qu'il peut être considéré comme notre second cerveau », confirme le docteur Benoît Coffin, gastroentérologue à l'hôpital Lariboisière, à Paris. Les opérations s'enclenchent et se coordonnent au niveau local. Si l'on devait diriger « d'en haut » la digestion d'une biscotte, ce serait du plein temps cérébral. Pour ennoblir notre gonflette, nous l'habillons de mots savants colite ou colopathie fonctionnelle qui ne veulent pas dire grand chose. « Mieux vaut parler de troubles fonctionnels intestinaux (TFI), explique le docteur Coffin, qui, eux, correspondent à un ensemble de symptômes digestifs significatifs. Ils associent douleurs abdominales, troubles du transit et ballonnements. »
Ces TFI touchent 20 % de la population occidentale, et 59 % des Français de plus de 15 ans se plaignent de ballonnements intestinaux! Une « épidémie » que tout le monde y compris de nombreux médecins met sur le compte du stress et qui n'a pas grand-chose à voir avec lui. Eh non! la gonflette, c'est pas dans la tête. « Ulcère gastroduodénal aussi était considéré comme une pathologie de grand nerveux, ou d'hommes et de femmes d'affaires surmenés. jusqu'à ce que l'on découvre qu'il s'agissait en fait d'une maladie infectieuse, rappelle le docteur Coffin. Pour les TFI, c'est pareil. Depuis 1985, de vraies études ont été réalisées, mettant en évidence des marqueurs biologiques. Un stress aigu peut faire que l'on "se dilate" brusquement, mais on ne peut plus corréler ballonnements fréquents et profil anxieux. Les patients présentent deux fragilités "objectives" : un trouble de la motricité et une hypersensibilité du tube digestif. »
Bonne nouvelle pour les ventres douillets : des médicaments ciblés, qui auront pour effet d'accroître la motricité et de diminuer l'hypersensibilité, vont être mis sur le marché dans les mois à venir.
En attendant, on peut oublier les listes noires alimentaires que dressent fébrilement les « colitiques » : « Il y a plus de préjugés que d'aliments à proscrire, explique le docteur Coffin. Le conseil nutritionnel égale zéro effet. Que chacun fasse selon son plaisir et sa convenance, et prenne simplement du temps pour manger. Une seule recommandation: n'ayez pas peur des fibres. On leur accorde des vertus préventives et... elles les ont vraiment: fermentées par les bactéries du colon, elles produisent des acides gras volatiles qui régulent la croissance des cellules coliques. »
La « fin de course », elle non plus, n'échappe pas aux idées reçues. On dit, par exemple, qu'il faut boire beaucoup lorsqu'on est constipé. Inutile de tomber dans la potomanie : l'eau ingérée n'arrive pas dans le colon, elle est intégralement absorbée après un trajet de quarante centimètres dans l'intestin. Notre litre et demi suffit donc largement à la cause. Ce qui est sûr, en revanche, c'est que les laxatifs dits irritants irritent bel et bien. Même si le docteur Coffin n'a jamais vu de toute sa carrière cette « maladie des laxatifs » dont on nous agite le spectre, disons, sous le nez, il préfère de beaucoup les adjuvants non agressifs, « un mélange de mucilages et d'osmotiques salins (1), par exemple, à concocter et à doser avec son médecin. » Et comme le docteur Scemama Kestenberg, il incite aussi à l'exercice physique...

Gonflé de rage ou rétracté sur des désirs interdits ?
Les moyens de rendre notre ventre plat, nous les avons, mais sommes nous bien sûres de nos fins? Guy Tonella (2), psychothérapeute, membre des Sociétés française et américaine d'analyse bioénergétique, s'inquiète un peu de cet acharnement à tout rentrer. Pour lui, l'histoire commence à l'enfance. Avec un ventre gonflé de rage
et d'agressivité rentrées, ou, au contraire, rétracté sur les désirs interdits. « Le ventre, explique-t-il, se situe à la charnière du bassin, d'où émerge la sexualité, et du tronc, d'où émerge l'affectivité. Un ventre qui reste plat parce qu'il est contracté est un étau pouvant couper l'élan sexuel de l'élan affectif 1:énergie ne circule plus. Une beauté conformiste, toute d'extériorité, vaut elle qu'on lui sacrifie son élan sexuel ou émotionnel? Pour retrouver un ventre qui "respire" l'assurance et la liberté intérieure, il faut parfois faire un travail sur soi, psychocorporel. Ou commencer simplement par se dire: "Mieux vaut un petit ventre rond qui laisse place au plaisir qu'un ventre plat qui retient le désir" ».

Martine MARCOWITH

1- Substances végétales ayant la propriété de gonfler dans l'eau
2- A publié « L'Analyse Bioénergétique » (bernet-Danilo, « Essentialis », 1994)

Encarts de l'article

Un fantasme de maternité" ?
« Dans plus de 80% des cas, une image de ventre dans un rêve renvoie à un désir de retour dans le corps maternel, à un phantasme de renaissance », explique Georges Romey, thérapeute, auteur du "Dictionnaire de la symbolique"(1). En analyse freudienne, on constate que les préoccupations obsédantes liées à la grosseur réelle ou fantasmée du ventre renvoient à la maternité. A son refus radical ou à un désir d'enfant mal assumé. Les spécialistes des thérapies corporelles observent, eux, qu'un ventre contracté va de paire avec la peur de perdre son « self-control » et de laisser entrevoir ses failles. Trop flasque, il indique à l'inverse un renoncement dépressif à se prendre en charge. Ce constat fait dire aux thérapeutes qu'un petit ventre rond est préférable à un abdomen plat mais noué. Ce que démentent les valeurs sociales contemporaines. A l'heure de la dictature de la minceur, un ventre rond sera synonyme d'un manque de domination de soi, d'une incapacité honteuse à réguler son appétit, donc d'un manque de personnalité. « Les femmes se sont débarrassées de la tyrannie du corset pour s'aliéner à celle des abdominaux, remarque le docteur Jean-Philippe Zermati, auteur de "La Fin des régimes"(2). Et, fait sans précédent dans l'histoire, pour être désirable, le corps doit être non seulement mince, mais aussi sec et dépourvu de tout moelleux. » A méditer.

1- Albin Michel, 1999.
2- Hachette Pratique, 1998.

Une heure de chant vaut une heure de gym !
Pour le docteur Elizabeth Fresnel (1), phoniatre et directrice du laboratoire de la voix Espace, à la fondation Rothschild, « une heure de chant vaut largement me heure de gym. On sollicite trois cents muscles et on rééduque sa respiration comme sa posture. » Cette respiration thoraco abdominale que le chant, bien dirigé, aide à retrouver, seul le bébé la possède naturellement. Ensuite, on la perd : on ne prend l'air que par le haut de la cage thoracique, en contractant nuque et trapèzes, en bloquant le ventre, en « nouant » les viscères qu'il abrite.
Avec le chant, on, travaille la colonne d'air qui doit monter des profondeurs pour faire se fermer et vibrer correctement les cordes vocales. Tout se libère et se ré harmonise : le cou et les épaules, les Mouvements du diaphragme, le va-et-vient de la paroi abdominale. Bénéfice de l'opération : muscles grands droits et obliques en béton, et un bien-être physique et psychique refait à neuf. l
1 A publié « La Voix » (Le rocher, 1997) et « Le trac. Trac, stress, anxiété, problèmes de communication (Solal, 1999)

 

Ballons rebelles
Pour certaines femmes, l'augmentation de l'abdomen n'est pas périodique, mais permanente. Si elle se fait de manière rapide, il faut d'abord éliminer l'hypothèse d'une masse pathologique (fibrome ou autres), donc consulter son gynécologue et passer une échographie. Le plus souvent, ces rondeurs bien arrimées proviennent d'une accumulation de tissus graisseux accompagnée d'une distension musculaire. Ce phénomène survient lors d'une prise de poids globale, au détour d'une ou plusieurs grossesses ou, progressivement, pendant la péri ménopause.
L'augmentation qui intervient en phase ménopausique est particulière : elle correspond à une modification des sucres et des graisses de la femme, en rapport avec la baisse des hormones féminines. D'où cette masculinisation de la silhouette qui s'arrondit d'une mâle brioche.
Dans tous ces cas de figure, un régime adapté et des exercices physiques sont nécessaires. Chez la femme ménopausée, ils se doubleront d'un traitement hormonal de substitution qui donne, lui aussi, de bons résultats. Et pour quelques pneus rebelles à toutes les injonctions, il faudra peut-être envisager la lipoaspiration.

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